Comme s'il voyait l'invisible

Publié le par lumpungu

 

Abbé Kibwila Alphonse-Marie
alphokibwila@yahoo.fr

Le témoignage qui va suivre est presque banal tant il est fréquent. Combien de milliers de croyants n'ont-ils pas vécu le martyre pour leur attachement inconditionné au Christ?
Cette petite famille Kinoise vit à New York depuis près de vingt ans. Lorsque Gérard - dit Gerry - y étudiait l'électromécanique appliquée à l'agriculture (c'est une grosse tête), il y fit la rencontre d'une poupée volcanique, Natacha - Nacha pour les intimes - licenciée en sciences commerciales. Sans tergiverser Gerry a fait de Nacha la compagne de sa solitude, que dis-je? la déesse de sa vie désormais illuminée. Les familles des deux jeunes gens à Kinshasa n'opposèrent aucune résistance coutumière à leur projet de vie.
Gerry est de parents Basonge et Nacha, Basakata. Mélange à manipuler comme de la nitro, mais toutes les barrières tombèrent d'elles-mêmes. Réjouissances gargantuesques «made in U.S.A.» pour les jeunes et leurs amis demeurés à New York pendant que les deux familles par procuration concluaient l'alliance à Kin par des nuits blanches rythmées par des tam-tams gigantesques.

 

Du jamais vu!

 

Nacha tomba enceinte dans le mois, et tout le monde se mit à rêver. Echographies en leur temps et tout le suivi prénatal ont montré au fil des mois que ce serait un bien solide gaillard. Et vint enfin le jour de la délivrance. Nacha fut conduite par Gerry à la Maternité avec des gestes protecteurs d'une tendre délicatesse!
L'on procéda aux dernières vérifications d'usage: l'échographie d'abord et - prodige! Le réceptacle maternel était vide: ni bébé ni placenta. Rien. Un creux, une grotte abandonnée où résonnaient à vide les échos électromagnétiques. Le praticien gynécologue éberlué dit: «Never seen»: du jamais vu! Rien. Les échos furent comparées: celle d'il y a un mois et celle de ce matin. Le bébé a disparu du dernier cliché, tandis que les signes apparents de grossesse marquent encore Nacha (ventre-ballon de neuf mois, gorge gonflée, visage dodu et potelé etc).

 

On hausse le ton

 

Dépression nerveuse et morale. Alertées, à Kinshasa les familles entrèrent en guerre - ce qu'il fallait redouter. Les Basonge s'en prirent aux Basakata, les accusant d'avoir mangé et la dot et l'enfant. Papa Jules Mbo, le père de Nacha tint tête. Homme de foi, il jeta du sable sur le feu en calmant les irruptions de son frère puîné qui dans la famille fit chorus avec la parenté de Gerry et haussa le ton, arguant que Mbo avait mangé tout seul la dot substantielle et n'avait jeté que des miettes aux autres. En vérité, en lieu et place des sommes exorbitantes de la «facture du père» confectionnée par ses frères, Papa Mbo d'autorité avait substitué une dot toute symbolique car, disait-il "c'est ma fille, après tout. Ma fille n'est pas à vendre: elle n'est pas une chèvre». Cela ne se pardonne pas dans la coutume. Il le savait, mais il avait pris son parti.
Du côté de Gerry, Papa Paul Njibu, fils héritier d'un chef coutumier Songe, était montré du doigt: avant Gerry n'avait-il pas déjà perdu trois enfants? «Et voilà qu'il remet ça en allant jusqu'à sucer le fœtus dans le ventre de sa bru"! dirent méchamment ses cousins jaloux. Alors la haine s'accrut non seulement entre les deux familles mais aussi à l'intérieur de chaque famille, et l'on fit l'assaut des puissances nocturnes, et ce fut une mêlée terrible pendant des mois.

 

Le doublé

 

Pendant que les familles cherchaient à dénouer le nœud gordien, les deux New-Yorkais firent le doublé et de la grossesse et… de la disparition de la nouvelle créature attendue. Ce fut un comble qui incendia particulièrement l'existence de Papa Mbo Jules, lequel plusieurs fois convié avec force menaces à consulter les «djeke» - cauris de divination, refusait tout net, opposant sa foi en Jésus Christ à toute compromission et clamant en âme et conscience son innocence.
Il se forma une ligue familiale d'occultistes coutumiers - tous «catholiques» - qui scella le sort de Papa Jules Mbo, puisqu'il n'a pas reculé d'un pouce devant leurs attaques fougueuses ou leurs sollicitations flatteuses. Et aux jours sombres, troubles et cruels des pillages de septembre 1991, rentrant un soir chez lui, Papa Mbo fut massacré à l'arme blanche dans un coin obscur du quartier. L'on retrouva sur son corps exsangue un papier d'emballage ciment avec ce message libellé par une main occulte, inculte et sanguinaire: «Pourquoi votre dieu jésus des chrétiens à qui tu croyez ne t'as pas protéger?»
A ses obsèques d'une rare dignité, malgré une foule immense, le Prêtre rappela simplement que la vie de Papa Jules Mbo fut une suite sans compromissions de Jésus et sa mort le martyre paradoxal de la foi de quelqu'un qui a marché au milieu du désert de ce bas monde comme s'il voyait l'invisible.

 

Happy end

 

Gerry et Nacha, que sont-ils devenus? Et quel sort aux méchants fut réservé? «Happy end» pour tous. Le sacrifice de Papa Mbo n'a pas été vain: son frère cadet avoua au cimetière que c'est lui qui a «mangé» son aîné et vidé deux fois le ventre de sa nièce Nacha et qu'il implorait le pardon de la veuve et des orphelins. Il faillit bien entendu être lynché par les jeunes du quartier, n'eût été l'intervention énergique de Mama Mbo: «Cela ne me rendra pas le père de mes enfants!» Aujourd'hui ce monsieur est berger d'un groupe charismatique, cherchant la paix du coeur près de son «Dieu Jésus des chrétiens».
Certes, la sorcellerie existe et peut nuire même à distance. Mais le Seigneur, si on l'invoque avec foi, n'est-il pas plus fort que tous les démons?  À la troisième tentative, Gerry et Nacha s'enrichirent de Mbo Jules Jr qui ouvrit la lignée à cinq autres rejetons, dont deux fois des jumeaux.
Bien de témoignages de ce genre sont truqués. Si celui-ci semble vrai, il ne faut pas cependant donner foi sans preuves à l'appui et sans un sérieux discernement.

 

Abbé Kibwila Alphonse-Marie

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Assemblée de prière

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